15 janvier 2018, mis à jour le 4 décembre 2018

Il vaut parfois mieux gagner de l’argent plutôt qu’en lever

Aujourd’hui, le cœur de l’écosystème startup bat au rythme des levées de fonds. Semaines après semaines, les pépites de l’économie, y compris françaises, battent des records, à l’image des drones Parrot (300 M€), de l’hébergeur OVH (250 M€) ou, plus récemment, de la marketplace Vestiaire Collective (58.5 M€). Le but avoué est de rejoindre le cercle plus que restreint des “licornes” françaises, ces startups valorisées à plus d’un milliard de dollars. Le financement des start-up n’a jamais été aussi dynamique et 2017 a été une année record pour les levées de fonds. De quoi entretenir l’illusion de réussites reposant uniquement sur une capacité à lever des fonds.

Mais après les échecs de certains projets “dopés” aux levées de fonds, dont le plus fracassant a sûrement été celui de Take It Easy, le spectre de la fuite en avant des financements est de plus en plus prégnant. Comme l’écrivait Sarah Aizenman dans Maddyness, “il vaut parfois mieux gagner de l’argent plutôt que d’en lever” et ne pas oublier que ce qui compte avant tout : avoir des clients tout en créant de la valeur.

Les secrets d’une startup autofinancée

La barre symbolique des cinq ans d’existence où 90% des start-up échouent, i-Demenager l’a franchie en étant rentable et auto-financée.

Ce n’est que 7 ans après avoir fondé i-Demenager, que nous avons effectué une première levée de fonds en série A (1,8M€ auprès notamment du fonds d’investissement M-Capital Partners complété par BPI France). Dans le jargon, la série A désigne de l’argent apporté par des fonds après que l’entreprise ait fait la démonstration de son business model et présenté une forte traction.

Prendre le temps de construire un business viable et rentable nous a donc permis de passer l’étape de financements par des Business Angels puis du Seed. Ce sont donc nos clients qui ont financé les premières phases de développement de i-Demenager !

Auto financement i-Demenager

Alors bien sûr, tous les projets ne peuvent pas être autofinancés : les produits technologiques par exemple peuvent nécessiter d’importants fonds pour la recherche et le développement.

A l'inverse, l’autofinancement se prête particulièrement bien au lancement d’une marketplace de services. Il en a été ainsi pour i-Demenager : dès le premier mois du lancement du site, nous avons commencé à générer du chiffre d’affaires.

L’aventure a commencé à l’été 2010. Je me suis formé au métier d’expert technique du déménagement en accompagnant sur le terrain des commerciaux lors de leurs visites techniques, pendant que Ludovic, co-fondateur de i-Demenager, mettait sur pied notre version beta du site Internet. Dès 2011, le site était lancé, les premiers prospects nous sollicitaient et nous organisions ainsi les premiers déménagements. Au départ, forcément, la maxime “Fake it ‘till you make it” prévaut : nous avons commencé avec quelques partenaires déménageurs et nous démarchions directement les déménageurs au cas par cas en leur proposant des clients clés en main. C’est ce qui nous a permis de répondre à nos premières demandes, mais aussi de signer nos premiers partenariats : les sociétés de déménagement étant assez réceptives puisque nous leur apportions sur un plateau des clients prêts à déménager !

Développement d'i-Demenager

Pour alimenter la demande, nous avons fait au plus efficace en se focalisant sur les canaux digitaux permettant un retour sur investissement des campagnes le plus direct possible. En adaptant le budget alloué quotidiennement, nous avons pu maîtriser notre croissance. Au début, nous ne traitions que quelques demandes de clients par jour, ce qui nous laissait le temps de commencer à mettre en place des process avec les déménageurs et de développer des outils de CRM (gestion de la relation client).

6 mois plus tard, nous avions la trésorerie suffisante pour recruter notre premier salarié : un commercial spécialisé en déménagement capable d’absorber notre hausse d’activité.

Progressivement, l’équipe a grossi en cohérence avec notre chiffre d’affaires. Nous avons ainsi pu structurer notre activité, maîtriser notre croissance et tester de nouvelles solutions tout en conservant un niveau de satisfaction extrêmement élevé auprès de nos utilisateurs.

C’est ainsi que nous avons mis en place notre système de visite virtuelle par visioconférence nous permettant de supprimer les contraintes des visites à domicile de nos experts en déménagement. Nous avons créé un service client dématérialisé et industrialisé notre activité.

A ce stade, il y a quelques mois, la levée de fonds nous a semblé incontournable pour démultiplier notre développement en s’appuyant sur des fondamentaux forts (notre équipe et nos outils techniques). Le financement de 1,8M€ de M-Capital Partner et du programme Innov’Up de BPI France va donner une forte impulsion à notre développement avec pour objectif de devenir un acteur incontournable du déménagement et plus globalement du changement de domicile.

Autofinancement : les pour et les contre

Côté inconvénients, il faut savoir que l’autofinancement demande de faire de nombreux arbitrages voire concessions : par exemple, Ludovic et moi ne nous sommes très peu rémunérés pendant les deux première années, préférant d’abord recruter nos premiers salariés. Cela représente également un investissement continu en temps et en énergie pour prioriser toute dépense, le fameux Bootstrapping...

Mais les avantages du Bootstrapping sont très visibles aujourd’hui. Grâce à ce fonctionnement, nous avons pu maîtriser le rythme de notre croissance, se permettre des erreurs qui auraient certainement été fatales dans une situation de croissance exponentielle, et évidemment nous avons pu rester maîtres du capital. Nous gardons ainsi le contrôle de la société, même après notre levée de fonds, ce qui garantit une certaine sérénité pour le développement de l’entreprise. L’autofinancement a aussi permis une gestion qui nous a semblé plus saine, plus humaine, sans être focalisé sur la course au financement à tout prix...

Julien BARDET
CEO & Co-fondateur de i-Demenager

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